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blog de Cyrille Amiel

Billets d'humeur, articles et chroniques consacrés à la littérature et à la musique

Les origines de : Trombone

Le saviez-vous ?

 

Cette rubrique est l’occasion d’explorer les mots mais aussi les expressions et les usages de notre quotidien afin d’en retrouver les origines sémantiques et/ou étymologiques.

Aujourd’hui, je vous propose de nous intéresser au mot : Trombone.

Le trombone est un cuivre, plus exactement un aérophone c’est-à-dire un instrument à colonne d’air vibrante. L’instrumentiste fait vibrer ce qu’on appelle une anche labiale. Ses lèvres vibrent l’une sur l’autre dans l’embouchure, produisant une fréquence qui met en vibration la colonne d’air déterminée par le diamètre et la longueur de l’instrument. Plus la colonne est longue, plus la note est grave (basse), inversement plus elle est courte, plus la note est aigüe (haute). Le trombone ayant la capacité de faire varier sa longueur grâce à sa coulisse, l’instrument peut permettre de jouer une étendue assez large de notes, de basses à aigües.

Né au XVème siècle, le trombone en italien désigne une grosse trompette. Le « trombone » vient de « tromba », trompette.

Le mot était également utilisé par les marins en méditerranée pour désigner le phénomène météorologique qui provoque une colonne d’eau. Les français en firent une « trombe ».

Mais revenons à notre grosse trompette, le trombone.

En France, avant d’adopter le terme italien on le désignait par le mot : sacqueboute, saquebute ou saqueboute. 

Les anges musiciens, Hans Memling, 1435/1484

L’étymologie du mot saqueboute nous plonge directement dans les méandres du vieux français. Il est le fruit d’une contraction de deux mots : « bouter » et « saquer » traduits par pousser et tirer.

Le nom de l’instrument fait donc référence à l’une de ses caractéristiques la plus évidente, le mouvement de la coulisse permettant de jouer toutes les notes de la gamme. 

Le mot "bouter" nous est familier car il a été utilisé pour exprimer l'envie de renvoyer les anglais chez eux pendant la guerre de cent ans :"Boutez les anglais hors de France !". Mais, il évoque aussi un outil, le boutoir. Ce mot sert également à qualifier le groin et les canines du cochon fouillant le sol en poussant.

En latin, pousser se traduit « pellere » et « pellare » nous dirigeant vers d’autres mots comme interpeller, pousser vers la rive, accoster quelqu’un.

L’indo-européen nous donne « pel », agiter puis « polemos » en grec, guerre, polémique.

De façon presque obsessionnelle, pousser, bouter, pellare et bien sûr, polemos, nous ramènent à l’affrontement, la polémique et la guerre.

Concernant le mot « tirer » pourtant commun, son origine est obscure. Il apparaît dans la chanson de Roland et nous donne « tirare » en Italien ou « tirar » en espagnol, peut-être « tractus » en latin.

J’ai retrouvé la trace de notre « saquer » en Picardie. Il pourrait venir de « sac » à travers l’expression « donner à quelqu’un son sac », c’est à dire être congédié.

Ou peut-être venir d’une expression de la marine, « saquer la voile » (souquer ?), la tirer, la rentrer au dedans du navire. 

Il peut paraître étonnant de voir un instrument de musique désigné par des termes évoquant la violence. Mais ce serait oublier l’un des usages du son et de la musique, c’est à dire la guerre et la valorisation des actes de bravoures.

Le trombone n’échappe pas à la règle et hérite naturellement, de l’usage martial de la trompette. De tous temps, la musique a mené les hommes à la guerre et accessoirement, à la mort.

Elle est l’outil du pouvoir grâce au pouvoir qu’elle exerce sur nous. Dans son livre « Si c’est un homme », Primo Levi décrit l’influence de la musique sur les déportés, littéralement poussés ou tirés, par le rythme et l’air joué par la fanfare, comme des marionnettes pour les camps de travail dans lesquels, ils trouvaient la souffrance et la mort.

Le sacqueboute est d’abord utilisé pour renforcer les polyphonies vocales dans les compositions sacrées. À la renaissance et à la période baroque, il est employé aussi bien pour la musique profane que sacrée.

Il deviendra progressivement un instrument de fanfare, formation dont l’objet est de convoquer les auditeurs dans la rue ou, pour les formations militaires, de mener les hommes au combat.

Plus tard, il sera employé pour jouer du Jazz évocation d’une autre forme de souffrance et de résilience.

Pour moi, le trombone symbolise notre destin commun, celui d’être tiré et poussé, « sacquebouté », balloté par la vie. À l’instar du fétu de paille emporté dans un courant puissant, il évoque notre incapacité à influencer profondément le cours de notre destinée. 

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