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blog de Cyrille Amiel

Billets d'humeur, articles et chroniques consacrés à la littérature et à la musique

Les origines de : Flûte

Le saviez-vous ?

Cette rubrique est l’occasion d’explorer les mots mais aussi les expressions et les usages de notre quotidien afin d’en retrouver les origines sémantiques et/ou étymologiques.

Aujourd’hui, je vous propose de nous intéresser au mot : Flûte.

Je laisserai de côté l’élégante interjection, le bateau et le verre à champagne pour me concentrer sur l’instrument de musique.

L’étymologie du mot flûte nous mène directement de l’ancien français « flaute » ou « flehute » en passant à l’occitan « flauta », au latin « flare », souffler. Le verbe « flare » nous donne « sufflare », souffle.

Instinctivement et à raison, on associe la flûte au souffle, carburant du son pour les aérophones dont elle fait partie. Colonne d’air vibrante définie par les cylindres ou cônes de bois, d’os ou de terre et plus tard de métal, ce souffle produit le son et fait émerger la vie du silence.

« Lorsque Krishna joue de la flûte, le monde entier s’anime par sympathie : les rivières s’arrêtent, les pierres brillent, les lotus tressaillent, gazelles, vaches, oiseaux entrent en extase : démons et ascètes sont fascinés. (Bhãgavata-Purãna.) »

Les origines de : Flûte

Notons que l’apparition de la flûte est intimement liée à notre histoire. Les premiers instruments sont des os d’animaux percés de trous, des morceaux de pierre, de coquille ou de bois. La rusticité des matériaux nous invite à interroger l’aube de l’humanité.

Les origines de : Flûte

La flûte côtoie l’intimité de nos ancêtres. Elle prend place autour du foyer chassant l’obscurité. Avec, vraisemblablement, les percussions et la voix, elle habite le silence préhistorique. Ils le meublent et remplissent l’espace invisible de sons rassurants. C’est, peut-être, cette nécessité, ce besoin irrépressible de rendre l’incompréhensible moins effrayant qui a donné à la musique et aux instruments un caractère magique. La flûte insuffle, donne vie. Elle incarne le souffle créateur.

Le latin nous propose un autre terme pour parler de cet instrument, le mot « tibia ». En effet, avant de désigner l’os antérieur de la jambe, « tibia » désignait une flûte dont l'origine grecque serait "Aulos".

La légende affirme qu’elle aurait été inventée par la déesse Athéna afin d’imiter les cris des oiseaux-serpents aux ailes d’or qu’elle avait entendu.

« Leur chant fascinait, immobilisait et permettait de tuer à l’instant de la terreur paralysante. (La haine de la musique, Pascal Quignard, folio) »

L’auteur de « La haine de la musique », nous rappelle qu’il interroge les liens qu’entretient la musique avec la souffrance sonore et nous met sur la piste des origines martiales de l’instrument.

La première flûte est, peut-être, la sarbacane propulsant le projectile sur une proie ou un ennemi. Le son produit précédant alors un cri de mort, ultime manifestation de la vie. Elle incarne là, le dernier souffle, le râle d’agonie.

La flûte est bien l’instrument des Dieux de la Grèce antique. Elle évoque parfois le désir lubrique du faune Pan poursuivant de ses attentions la nymphe Syrinx.

Les origines de : Flûte

« Parvenue sur les berges du fleuve Ladon en cherchant à échapper aux avances de Pan est arrêtée par l’eau. La jeune fille pria les nymphes des bois, ses sœurs, de la changer en roseau. (La musique, Alberto Ausoni, éditions hazan). »

Comme le souffle du vent faisait résonner les joncs, Pan eut l’idée d’en couper sept qu’il assembla avec de la cire pour créer une flûte qu’il appela Syrinx en souvenir de la nymphe.

Notons aussi que le verbe latin « pipare » signifiait pépier, siffler. Vraisemblablement issu du cri des oiseaux, il donne « pipa » ou « pippa » qui était un petit chalumeau. Il devient pipe en français puis pipeau. Il est amusant de noter que le mot « pipa » en latin a été adopté par certains parlers germaniques, qui en firent « pfeipfe », pfeife en allemand. Le joueur de pipeau ou de flûte s’appela pfeipfer. Emprunté par le français, il se transforme en fifre, qui est une petite flûte.

La boucle semble bouclée. De la flûte au souffle, du son au mot. Elle est le souffle qui balise notre existence, de la naissance à la mort, elle symbolise peut-être la vie humaine, cette vibration subtile, fragile et fugitive.

Cyrille Amiel

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