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blog de Cyrille Amiel

Billets d'humeur, articles et chroniques consacrés à la littérature et à la musique

Intrabasses de Jeff Noon

Intrabasses de Jeff Noon

Si la musique était une drogue, elle vous emporterait où ?

Donna, Jody, Elliott, 2spot préparent leur premier single à l’aide d’une nouvelle technique, une sphère de liquide qui remixe un liquide magique aux propriétés illimitées.

Mon avis : Vous est-il déjà arrivé de vivre ce sentiment hyper désagréable d’avoir l’impression très nette de vous être fait avoir ?

Assurément, nous avons tous fait cette expérience tellement enrichissante. Vous saurez donc ce dont je parle lorsque j’évoque ce mélange de déception et de dépit qui m’a animé lors de la lecture de cet ouvrage.

J’avais pourtant acheté le livre, ivre de joie et d’enthousiasme l’esprit occupé par l’excellente présentation de l’œuvre par l’éditeur qui, n’en doutez pas, serait capable de vendre des glaçons aux habitants du pôle nord, ou en tous les cas de faire passer un mauvais livre pour un bon aux gogos dans mon genre.

Pour ma défense, je vous avouerais que j’avais été séduit par l’idée lumineuse d’accompagner l’œuvre littéraire d’un disque. Une sorte de bande son du livre, censée provoquer, je suppose, la lecture extatique de ce récit nous menant tout droit de l’état de simple lecteur à Brahman en transe. L’auteur étant affligé, en plus d’une démangeaison d’écrivain, d’un camarade musicien professionnel nommé David Toop !

Pourtant, après mûre réflexion, je ne peux m’empêcher de penser que tout était là. Tout était dit dans le quatrième de couverture dont je vous ai livré le moins obscur. Car il a fallu que je traduise, que j’improvise quelques phrases, que je trie du salmigondis de ces quelques gerbes de mots, d’onomatopées, jetées sur la couverture presque par hasard : « batteriebasse, djvoix groove, platine injection, guitare, Boum musiqueliquide, enregistrée »…

Vous m’en mettrez bien deux kilos, mon bon Monsieur ? Et puis une livre de « boum » sans point et encore moins de majuscule. Ce n’est pas grave, me direz-vous ? C’est moderne, c’est « djeunes » ! Youpi, on est des rebelles ! Des pirates de la syntaxe. Nous, on expérimente des trucs, quoi !

Certes, je suis peut-être trop vieux pour apprécier un texte dont la plus élémentaire ponctuation a été escamotée, amputée, pour être remplacée par des barres obliques.

Je cite : « la boite de nuit / zombie glacé qui affiche une expression hébété, celle des animaux de nuit pris dans la lumière du jour / tu connais ? / »

C’est vrai que tous ces petits signes entre les mots « c’est trop zarbi », et « ça » nuit au « groove ». Les barres obliques c’est bien plus cool.

Décidément, je suis vraiment vieux et je n’entends pas ce texte. C’est, je crois, ce qui est le plus grave car il semble indéniable que ce démembrement des idées soit une réelle volonté de l’auteur, une façon de nous faire partager un univers interlope où se mêlent musique et drogue. Monsieur Noon a sûrement imaginé nous faire vivre une expérience, nous faire éprouver son vécu de musicien sans fioriture ni artifice.

Avant de vous livrer un résumé de l’histoire, voici un extrait de dialogue :

  • tu sais, elliot / ce type te cherche
  • qui ça ?
  • ce gars-là, deezil
  • ah bon ?
  • ouais / il a téléphoné au club / il veut te voir
  • bon
  • alors / je lui dit quoi ?
  • dis-lui / dis-lui, peut-être
  • peut-être ?
  • non / non, dis-lui ça / dit lui qu’elliot dit / répète après moi / elliot dit…
  • elliot dit…
  • elliot dit va chier / dis-le, dis-le
  • elliot dit va chier
  • elliot dit va chier, va te faire foutre / dis-le

Le dialogue se poursuit encore quelques lignes. Encore quelques « va chier et foutre » ou plutôt tout le livre de « va chier et foutre » comme autant de tentatives désespérées d’extraire, des tripes de l’auteur, autre chose que de la matière fécale.

Enfin, cher lecteur, j’aimerais faire une minute de silence pour honorer et remercier l’auteur ainsi que les honorables éditions La Volte pour ce chef d’œuvre scatophile. Car, je ne doute pas que ce livre restera dans les an(n)ales…

Désolé pour le jeu de mot, je me laisse gagner par l’ambiance du récit. Contaminé par les vibrations d’intrabasses, je me transforme…

Arrg / chier / c’est l’histoire d’un bassiste / putain / chier / elliot, c’est son nom / ta gueule, c’est comme ça qu’on écrit / il cherche donna dans une boite de nuit / vomi / sexe / boum / club zuum / connard / sympas les gens / ouais je joue de la basse / dub culture / amplis micro matos / joints / Jody, dj / 2spot, batteur / donna, chanteuse / putain / gallagher, chat / putain / pas oublier / chat / ouais va chier / chansons de merde / jésus au fond du sillon / le silence crépite / c’est quoi la musique ? / du skiffle / ta gueule c’est comme ça qu’on dit / c’est quoi les notes ? / milarésol / merde ça dégage / le groupe ? / les figs / ta gueule c’est comme ça qu’on dit / deezy / père de 2spot / putain / suspens / arrg / je me transforme / putain / arggg / ouf / c’est fini /

Me voilà revenu, sain et sauf, enfin je l’espère… Quelles seront les séquelles de mon immersion dans l’univers d’intrabasses ? Il est encore trop tôt pour le dire et nulle doute qu’il me faudra de longues semaines de traitement pour effacer de mon organisme les traces de cette mésaventure.

Cyrille Amiel

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