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blog de Cyrille Amiel

Billets d'humeur, articles et chroniques consacrés à la littérature et à la musique

Les origines de : Bouquin

Cette rubrique est l’occasion d’explorer les mots mais aussi les expressions et les usages de notre quotidien afin d’en retrouver les origines sémantiques et/ou étymologiques.

Aujourd’hui, je vous propose de nous intéresser au mot : Bouquin.

Afin d’en trouver l’origine, l’une des pistes serait de s’en tenir à la phonétique. Et de bouquin à « book », il n’y a qu’un pas qui nous inviterait à traverser la Manche d’une foulée. Bouquin, book, livre. Serions-nous, encore, en présence d’un mot de français qui plongerait ses racines dans la langue de Shakespeare ? Que nenni, ce serait ignorer la définition du mot ! Compulsons, tout simplement notre dictionnaire.

« Bouquin : du néerlandais boek, livre, vieux livre ».

Nous voici revenu sur le continent et du « book » anglais, nous sommes passés au « boek » néerlandais. Pourtant une légende tenace nous invite à associer le vieux livre (bouquin) au bouquin (vieux bouc) issu du vieux français du XVIème siècle. En effet, à l’époque tous les livres de prix étaient reliés en basane (cuir), en veau et maroquin qui donnaient aux ouvrages un aspect précieux. Toutefois, les outrages du temps, de l’humidité et les attaques des insectes tendant à dégrader les peaux, les livres finissaient par dégager une forte odeur de décomposition et de moisissure, une odeur de vieux bouc… donc de bouquin. C’est ainsi que le vieux livre devint un bouquin.

Une autre piste serait de nous pencher sur l’origine d’un instrument de musique, très en vogue au XVIème siècle et au XVIIème siècle : le cornet à bouquin.

Cet instrument à vent, classé dans la famille des cuivres, était utilisé dans la musique profane ainsi que dans la musique sacrée. Il était formé d’un tube en ivoire ou en bois, droit ou légèrement courbe. Son corps était coupé en deux parties dans le sens de la longueur, évidées puis collées ensemble et réunies par un revêtement de cuir noir ou de parchemin.

Le cornet à bouquin, instrument recouvert de cuir, devait lui aussi, au contact de l’humidité produite par l’instrumentiste, se dégrader et finir par dégager une odeur particulière. Il convient d’ajouter qu’à l’origine, l’instrument était fabriqué dans une corne de bouc. On le relie souvent au schofar hébraïque (trompe utilisée lors de cérémonie religieuse), taillé, lui aussi, dans une corne de bouc.

Ici, encore nous retrouvons la trace de notre vieux bovidé.

D’autres sources, encore, rapprochent notre bouquin à « bocca » (bouche) en italien. N’oublions pas que cet instrument était très en vogue en Italie et, tout particulièrement, à Venise. D’ailleurs l’âge d’or du cornet à bouquin s’acheva vers 1630, lors de la peste de Venise où résidaient les plus grands virtuoses de l’époque.

La « bocca » italienne, nous ouvre une autre piste et semble nous éloigner du bouc. D’autant qu’en normand, le mot bouche se dit « Bouque ».

Le normand « bouque » aurait-il donné bouquin en Français ?

La « bouque » normande ou française sentait-elle le bouquin ?!!

Je suppose que l’analogie s’arrête là, d’un côté un bouquin évoquant un livre que les outrages du temps ont marqué physiquement et olfactivement ; de l’autre, un instrument à vent, un cornet recouvert de peau de bouc et dont la forme évoque une corne.

Une fois de plus, le livre nous a permis d’explorer des contrées inattendues. Nous le savons, le bouquin est une invitation au voyage. Celui-ci nous a mené d’Angleterre en Hollande jusqu’en Italie, nous permettant d’effleurer le Moyen Orient.

Cyrille Amiel

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A
Merci pour ce très intéressant article ! Le sujet n'est peut-être pas épuisé : le dictionnaire historique de la langue française, (pure merveille pour qui s'intéresse à ces questions), au-delà du vieux néerlandais, du vieil anglais, fait remonter bouquin à un mot germanique désignant le hêtre, bois des tablettes sur lesquelles étaient écrites les runes.
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C
Bonjour Alain, merci pour votre contribution, je crois effectivement que notre langue ne cessera pas de nous surprendre. Amicalement.
D
Je pense que la version du vieux bouc est cohérente, elle correspond bien à notre culture, mais, à cette heure, rien n'est moins sûr…
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C
Bonjour Dominique Lin, oui je pense aussi. :-)